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Tribune dans Le Monde Economie – 28-29 janvier 2017,

signée Xavier Dennery

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La rupture digitale comme réponse aux délocalisations dans les métiers de service

La délocalisation de la production de biens de consommation a désertifié la France industrielle depuis 30 ans ; nous sommes entrés dans une seconde phase, qui touche aujourd’hui les services : banque, SSII, services professionnels, certification, laboratoires.

Des biens de consommation complètement délocalisés

La production des biens de consommation les plus courants, comme le textile, l’habillement, les jouets, les produits électriques et électroniques… a été presque totalement délocalisée (on ne fabrique plus de téléviseurs en France), vers des pays aux coûts toujours plus bas : Chine, Vietnam, Cambodge, Ethiopie…

Des biens de consommation complètement délocalisés

Dans les métiers de service, les interactions multiples entre l’entreprise et ses clients d’une part, et entre les différents départements de l’entreprise d’autre part croissent de façon exponentielle avec l’activité – par simple effet combinatoire – et ce poids exponentiel pèse sur les processus administratifs (assistance, commande, planification, réglementaire…)

Faute de maîtriser ces processus, dont les coûts salariaux explosent, le dirigeant est tenté de les réduire de façon drastique et simpliste, et souvent – in fine – de délocaliser au détriment du client et de la qualité du service. Fatalité ? Non !

Quand Trump tweete pour Ford !

Quand Trump tweete pour que Ford ne délocalise pas au Mexique, c’est aussi le signe qu’un bien de consommation pourtant très emblématique a résisté : l’automobile. En France, c’est encore 1,5 million de véhicules produits, pour 2,3 millions achetés par an. Pourquoi existe-t-il encore une production automobile en France ? C’est parce qu’il y a 30 ans, les constructeurs ont su répondre aux attentes ultimes des consommateurs en divisant par un facteur 2 à 3 les délais et les coûts de production en améliorant la qualité.

La maîtrise en temps réel du processus de production…

La réponse est venue d’une maitrise très fine du processus de production : le pilotage – en temps réel – du flux de composants tiré par la demande du consommateur (Toyota) a remplacé la fabrication à la chaîne de composants poussés d’un stock à l’autre (Ford). C’est le choix du consommateur (type de véhicule, couleur, options) qui pilote – en temps réel – toute ma chaine d’approvisionnement (« supply chain ») et la qualité à chaque étape.

… grâce à une double rupture technologique…

C’est l’arrivée simultanée du micro-ordinateur et de la GPAO (la Gestion de Production Assistée par Ordinateur, ancêtre des ERP), qui a permis de déployer ce concept de « supply chain » qui définit depuis le produit fini tous les composants élémentaires, toutes les quantités et étapes nécessaires à la production de tel modèle de véhicule ; et les « tire » en s’adaptant en temps réel aux aléas et à une variété grandissante de choix pour le client.

… rend dérisoires les gains de la délocalisation

Au final, malgré un contexte de concurrence féroce et de consommateur toujours plus exigeant, la division par un facteur 2 à 3 des délais de production – et donc aussi des coûts de production à effectifs constants – a permis de garder l’essentiel de la production automobile en Occident, la production délocalisée étant destinée aux marchés locaux émergents (Chine, Brésil…).

La data supply chain et la révolution digitale …

Quand l’industrie automobile vend des voitures, celle des services vend de l’information : données, rapports, résultats d’analyses, certificats, solutions… ; ainsi, la « data supply chain », chaîne d’approvisionnement de données, peut se substituer à la chaîne d’approvisionnement physique de l’automobile.

Et c’est la révolution digitale sur smartphone qui permet de tirer les flux dans la data supply chain : saisie facilitée des données par les clients eux-mêmes, suppression du papier, suppression des serveurs au profit du cloud, micro-applications gratuites, mise en place de bases de données en quelques heures, location d’outils agiles « sur étagère », ….

… rendent dérisoires les gains de délocalisation

Ainsi, la data supply chain et la révolution digitale permettent d’amener la bonne information, bonne du premier coup, à la bonne personne au bon moment ; divisent par un facteur 2 à 3 les délais, les coûts de revient et de non-qualité – attentes ultimes des consommateurs de services ; et apportent la réponse aux coûts d’interaction exponentiels qui mènent à la délocalisation.

La rupture digitale pour de nouveaux modèles d’affaires

Si cette rupture permet de gagner massivement des parts de marché, la rupture digitale, c’est surtout l’interaction en temps réel entre l’entreprise et ses clients, qui permet le développement de nouveaux modèles d’affaires, nouvelles sources de revenus pour finalement augmenter l’emploi au lieu de le réduire.

Une ambition collective a portée de main

La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible, par exemple dans un métier de certification, d’inspection ou de tests en laboratoire,

  • de diviser par un facteur 2 à 3 les délais de rendu des résultats, et ce faisant – à effectif de production constant – les prix de revient ;

  • d’améliorer la qualité des services et la qualité de vie des salariés ;

  • de ne pas délocaliser des pans entiers de processus administratifs et parfois opérationnels.

Cela demande beaucoup d’intelligence non « délocalisable », mais aussi de détermination pour ne pas céder aux effets de mode, selon lesquels délocalisation serait synonyme de saine gestion.

Xavier DENNERY

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